Li belugas de la diva : Zine, la voix oubliée (ou presque) du 7 août 2016 à Nice lors de "L'Hommage Blanc"
- Zine - artiste niçoise
- 9 avr.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 avr.
🎶 Zine, la voix oubliée (ou presque) du 7 août 2016 à Nice lors de "L'Hommage Blanc"
Il y a des gestes qui marquent à jamais une ville, un peuple, un moment d’histoire. Des gestes que l’on n’oublie pas — même quand les médias, eux, passent à côté.
Le 7 août 2016, moins d’un mois après l’attentat du 14 juillet sur la Promenade des Anglais, un hommage citoyen rassemblait des milliers de Niçois vêtus de blanc dans le Jardin Albert Ier.
Dans ce silence lourd et recueilli, une voix s’est élevée. Celle de Zine, auteure-compositrice-interprète niçoise, qui a chanté pour porter le deuil de toute une ville.
Différentes photos des photographes Michel Blondeau, Cristòu Dauroure et Fabrice Armerigo
Ce jour-là, elle a interprété Pantaia un pauc, adaptation en occitan niçois de Imagine de John Lennon, avant de faire retentir Nissa la Bella devant une foule silencieuse, bouleversée.
Ce n'était pas un concert.
Ce n'était pas un spectacle.
C'était un geste, un acte d'amour.
Et surtout, un engagement gratuit, bénévole, profond.
Des refus... et un oui
Ce qu’on sait moins, c’est que plusieurs artistes, certains très connus, avaient été contactés pour chanter ce jour-là.
Tous ont refusé.
Trop lourd.
Trop risqué.
Trop médiatique, peut-être.
Seule Zine a accepté. Elle, l’artiste locale, enracinée, authentique.
Sans cachet. Sans demande. Sans condition.
Ce n’était pas une simple “prestation” : c’était un don.
Un acte de courage, de générosité et de dignité.
Un moment rare, intense, habité.
Différentes photos des photographes Michel Blondeau, Cristòu Dauroure et Fabrice Armerigo
Une épreuve physique et émotionnelle au-delà des mots
Chanter dans un tel contexte n’est pas un simple défi vocal — c’est une traversée.
Ce jour-là, Zine n’était pas sur une scène, mais au milieu d’un champ de douleur.
Les familles des victimes étaient là, juste devant elle. Certaines portaient les portraits de leurs proches disparus. D’autres pleuraient en silence. Le moindre regard dans la foule, la moindre expression de détresse, devenait une onde de choc à encaisser.
Il y avait plusieurs familles qu'elle connaissait.
Zine, pour ne pas s’effondrer, a chanté en regardant le ciel et le soleil, comme si elle cherchait un appui là-haut, une force invisible pour tenir debout.
Elle s’efforçait de ne pas croiser trop longtemps les regards brisés en face d’elle — car derrière ses paupières, des images de corps déchiquetés flottaient encore dans l’air.
Des images qu’elle n’avait pas vues elle-même, mais que l’esprit reconstruit malgré soi, quand on sait ce qui s’est passé, quand on entend les récits, quand on vit dans une ville traumatisée.
La voix, souvent tremblante, s’est maintenue par pure force intérieure.
Mais le corps, lui, ne ment jamais.
À la fin de sa prestation, Zine s’est effondrée.
Pas dans les larmes, mais dans l’épuisement.
Elle a dû repartir portée par ses proches. Ce n’était pas un malaise scénique : c’était l’expression crue de ce que cela coûte, humainement, de porter une douleur collective.
De la transformer en musique.
D’être à ce point exposée à la souffrance des autres, sans carapace, sans filtre, sans fard.

Et les médias ? Le grand silence
C’est ici que les choses deviennent troublantes.
Malgré la solennité du moment, malgré l’émotion ressentie par toutes les personnes présentes, Zine n’a été mentionnée dans quasiment aucun média national ou international.
Pas un mot dans Le Monde, Le Point, France 24, Huffington Post, Europe 1, Paris Match, 20 minutes, BFM… (voir liste en bas de page)
Le nom de l’artiste, tout simplement effacé. Il y a même un article qui parle d'une bande musicale !!!
Une seule exception notable : Nice-Matin, qui l’a citée dans un entrefilet de la version papier du lendemain — avec sobriété, par la journaliste Stéphanie Gasiglia (dernier sous-titre de l'avant-dernieère colonne) mais justement....

Le journal local a fait son devoir de mémoire. Mais au-delà de cela, rien.
Ce silence interroge. Comment expliquer qu’une telle prestation, à un moment aussi fort, ait été si peu relayée ?
Une discrimination envers les langues régionales ?
Peut-être faut-il regarder du côté du chant lui-même.
Car Zine ne chante pas seulement. Elle chante en occitan, et plus précisément en niçois. Une langue régionale. Une langue souvent marginalisée, encore trop peu reconnue.
Et c’est là que le bât blesse.
Dans le monde médiatique, où la centralisation culturelle reste la norme, les artistes qui chantent dans une langue régionale ne sont pas toujours pris au sérieux. Ce n’est pas qu’on les rejette frontalement : on les ignore poliment.
On les classe dans une case folklorique ou anecdotique, et on passe à autre chose.
La langue invisible, l’artiste méprisée
Ce silence médiatique, presque total, n’est pas seulement une omission. Il dit quelque chose de plus profond — et de plus grave. Il révèle un mépris toujours vivace pour les artistes qui n’entrent pas dans les cases dominantes, notamment celles du français standardisé, du marketing culturel ou de la notoriété parisienne.
Zine chante en occitan niçois, une langue régionale que l’on préfère encore trop souvent cantonner à la "tradition", au "folklore", à la carte postale. Une langue qu’on tolère comme patrimoine, mais qu’on refuse d’écouter comme une langue vivante, actuelle, vibrante — et donc artistique.
Or ce jour-là, c’est dans cette langue que la dignité de Nice s’est exprimée. Et c’est cette voix-là, cette parole enracinée, que les grands médias ont délibérément ignorée.
Il ne s’agit pas ici d’un simple oubli. Il s’agit d’un scandale symbolique : celui d’avoir effacé l’acte d’une artiste engagée, parce qu’elle n’était pas assez connue, pas assez "bankable", pas dans la bonne langue, pas dans le bon réseau. Et ce, alors qu’elle était la seule à avoir accepté d’être là, quand d’autres, bien plus en vue, avaient décliné.
Ce que cela révèle, c’est aussi une hiérarchie implicite des cultures.
Une hiérarchie dans laquelle les artistes en langues régionales sont considérés comme "mineurs", comme s’ils n’étaient pas capables de porter une parole nationale, voire universelle. Comme si chanter en niçois pour les victimes d’un attentat n’avait pas autant de valeur que de le faire en anglais ou en français.
Ce jour-là, Zine a pourtant incarné l’essence même de ce que doit être un artiste : servir le vivant, dire l’indicible, rassembler au-delà des mots. Et elle l’a fait avec courage, avec humanité, avec une voix qui ne cherchait pas la gloire, mais la vérité.
Ce 7 août 2016, une voix s’est élevée dans une langue que peu comprenaient peut-être… mais que tous ont ressentie. C’est cela, la vraie force d’un artiste : faire vibrer l’universel à travers le local.
Et après ?
Les années ont passé. Des concerts d’hommage ont été organisés, avec des artistes souvent venus de loin.
Des prestations rémunérées.
Des programmations officielles, protocolaires.
Mais jamais Zine n’a été recontactée. Ni invitée. Ni remerciée publiquement.
Comme si son geste n’avait jamais existé. Comme si tout cela n’avait été qu’une parenthèse.
Mais à Nice, on n’a pas oublié. Les Niçois, eux, savent. Ils étaient là. Ils se souviennent de cette voix, tremblante mais digne, qui a donné corps au chagrin. Ils savent qui a eu le courage de chanter, quand tant d'autres ont refusé.
Une artiste du peuple, une mémoire vivante
Zine n’est pas de celles qui cherchent la lumière. Elle chante pour transmettre, pour rassembler, pour faire vivre une mémoire. Elle chante pour Nice. Pour sa langue. Pour les siens.
Ce genre de moment laisse une trace qu’aucun cachet ne pourrait compenser. Peu d’artistes auraient pu — ou voulu — assumer ce poids-là.
Ce qu’elle a fait ce 7 août 2016 ne s’achète pas. Ce n’est pas une performance. C’est un acte.
Et cet acte, aussi invisible ait-il été dans les médias, continue de vivre dans le cœur de ceux qui l’ont entendu.
Parce qu’il y a des silences qui blessent. Et d’autres qui soignent.
Voici deux vidéos familiales de cet événement :
Merci pour votre attention. Gràcia totplen per la vòstra attencion.
Voici tous les médias francophones qui ont parlé de l'événement sans citer l'artiste :
Ville de Nice
Paris Match
Nice Matin
Dauphiné Libéré
Le Monde
Le télégramme
Nice Matin
https://x.com/Nice_Matin/status/762225636509376512 (vidéo de Zine qui chante)
FR3 Côte d'Azur
Le Point
Radio France
Le Huffington Post
Var Matin
France 24
20 minutes
Europe 1
rtbf
OUEST FRANCE
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